Sitti Thourayat Daoud, comédienne
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  • Niry Ravoninahidraibe

Sitti Thourayat Daoud, comédienne



Sitti Thourayat Daoud


Apprendre à connaître Sitti Thourayat Daoud c’est s’immerger dans un monde où la passion pour le jeu d’acteur a toujours été présente à chaque étape de sa vie. Pour cette comédienne âgée de trente-trois ans, originaire des Comores, depuis son enfance, il y a toujours eu un spectacle d’école, un atelier, une résidence ou une activité liée à la radio ou à la télé qui lui a permis d’apprendre un peu plus à devenir comédienne. Cela débute à l’école coranique (avec l’interprétation de rôles dans des feuilletons radiophoniques diffusés à Radio Nationale actuellement ORTC ou Office de la Radio et Télévision des Comores) et se poursuit jusqu’à ce qu’elle termine ses études supérieures en Sciences économiques, elle n’a jamais perdu de vue sa passion. En 2006, lors d’une formation en art du spectacle vivant et interprétation à l’Alliance française de Moroni, elle a été repérée par ses formateurs : Soumette Ahmed Said Ali (président du Centre de Création Artistique des Comores CCAC-Mavuna) et Mounir Hamada Hamza. Ils lui proposent alors d’intégrer leur troupe « Le Théâtre Djumbé ». L’année suivante, elle obtient des premiers rôles dans « Antigone » de Jean Anouilh, ainsi que dans « Mon patron et moi » en 2008 et bien d’autres.

En 2013, elle obtient une bourse et participe au stage cultureLab au Festival d’Avignon lors de la 67ème édition. Du côté du cinéma, elle a suivi des formations sur le jeu d’acteur et la créativité dans le cadre du Festival International du Film des Comores (CIFF) en 2012 et en 2015 à Moroni. Sitti Touarayat Daoud a joué dans le film « Mon patron et moi », un long-métrage de Mohamed Youssouf, ainsi que dans « Terre Négligée » de Zainou Elabidine (Prix du meilleur film étranger au Mobil Film Festival de Paris, 11ème édition, « Sans Facebook on devient fou » de Rafik Daoud (primé au Concours Pocket Film par l'Institut Français, 2015). Ou encore en tenant le rôle principal dans « Seconde Zone » de Cyril Vendendriessche, une série policière tournée à Mayotte et produite par Echtra films dont la sortie était prévue pour fin février 2021. Après avoir multiplé les formations en théâtre, aujourd’hui, c’est elle qui anime les ateliers. Sitti Touarayat Daoud a tenu plusieurs rôles mais il ne faut pas oublier qu’il n’est jamais facile de faire carrière dans le milieu artistique. Elle livre ici son parcours et les réalités qu’elle a traversées avant de faire carrière dans le théâtre et le cinéma.


J'ai l'impression que depuis votre enfance, vous avez suivi un parcours dans lequel vous avez eu une certaine facilité qui vous a rapidement permis de devenir comédienne. Est-ce que c'est aussi votre impression ? Auparavant, je ne m’en étais pas rendu compte, mais effectivement, je le réalise depuis peu. C’est le destin. Vous savez, chez moi, aux Comores, il n’existe pas de Conservatoire de Théâtre ni d’école de Cinéma. J’ai eu la chance de jouer dès l’enfance, à l’école coranique, à l’école primaire ou encore au collège. Puis à l’Alliance française qui à travers des ateliers et des résidences permet aux artistes de se former ou de produire. Il y a aussi le Service de Coopération et d’Action Culturelle de l’Ambassade de France auprès de l’Union des Comores qui lance des appels à projets, et finance parfois les projets des artistes (formation, stage). J’ai su profiter des opportunités qui s’offraient à moi. J’aimais jouer et je travaillais toujours plus pour pouvoir y arriver. J’ai enchaîné les expériences, j’ai fait du bénévolat, j’ai couru après les rares auditions et casting. Et je ne m’étais pas rendu compte que plus je jouais, plus j’avançais.

Comme vous jouez depuis toujours, comment cette passion a-t-elle été perçue par votre famille ? J’ai eu de la chance d’avoir une merveilleuse famille qui m’aime et qui me soutient dans ce que je fais. Je viens d’une famille modeste, mes parents n’ont pas fait d’études supérieures, mais ils se sont assurés que nous ayons une bonne éducation en nous inscrivant à l’école, moi ainsi qu’à mes frères et sœurs. Pendant mes heures de libres j’allais jouer au théâtre. Mes parents préféraient me savoir dans les répétions plutôt que de trainer et de jouer dans les rues. Tant que je travaillais bien à l’école, et que je respectais le règlement de la maison (ranger ma chambre, faire la vaisselle, aider maman à la cuisine, etc…) Je pouvais aller dans les répétitions. Certaines filles n’ont pas eu la chance de pouvoir faire quelque chose qui leur plait.). Parce qu’elles ont eu des parents différents des miens. Des parents qui préfèrent préparer leurs filles à devenir des épouses, des mères au foyer. Parce ce que c’est ce que veut la société, les gens pensent que la place de la femme comorienne est au foyer, à s’occuper de son époux et de ses enfants. La femme aura beau faire des études, elle aura beau décroché le meilleur job de sa vie aux yeux de la société elle n’est rien. Donc le fait d’avoir le soutien de ma famille est une grande force.


Comment décrirez-vous votre passage à la télévision ?

A 14 ans, j’avais développé une passion pour la télé. J’enviais les jeunes animatrices télé, et envoyées spéciales. A chaque fois que je voyais une jeune femme sur les écrans, je me voyais toujours à leur place. Jusqu’à ce que je découvre TV-SHA (Télévision Shashanyongo) de Moroni Badjanani. La première chaîne de télévision locale à cette époque-là. J’aimais beaucoup les programmes de cette chaîne, je trouvais qu’il y avait une identité culturelle : les émissions, le journal, tout était en langue nationale, le SHIKOMORI. J’ai eu envie de faire partie de leur équipe, en plus il n’y avait que des hommes sur leur plateau, et pas assez de femmes. J’ai toujours eu envie de représenter les femmes. J’étais surtout très curieuse d’apprendre de nouvelles choses. J’ai donc eu la chance d’être acceptée. Et j’animais une émission Disney, parfois je faisais des reportages, je commentais, et présentais occasionnellement le journal télévisé. Cela a duré la période de mes années lycée, et mes débuts à l’Université.


Quelles sortes de difficultés avez-vous rentrer lorsque vous avez appris à jouer ?

Ce qui m’a semblé le plus difficile dans le fait d’apprendre à jouer est l’engagement émotionnel, plus précisément quand il s’agissait de pleurer. Je n’y arrivais pas, j’étais là, je me disais oh Lala je trouve pas, comment je fais ? Pourtant, dans la vraie vie, je suis une personne sensible qui pleure facilement pour rien. Mais sur scène ça n’arrivait jamais. Je me souviens un jour, lors d’une formation en jeux d’acteur, on nous avait fait faire un exercice dans lequel il fallait pleurer. Certains de mes camarades ont réussi à verser des larmes, mais moi non. L’heure de la pause déjeuner s’approchait, le formateur avait annoncé que ceux qui avaient réussi l’exercice pouvaient partir manger. Tout le monte était parti, j’étais restée seule dans la salle avec le formateur qui attendait que je pleure. J’ai enfin réussi à pleurer, mais ce n’était pas vrai, car j’avais été sauvée par la situation en elle-même : le fait de voir tout le monde partir manger et moi non m’avait fait de la peine, j’ai fini par pleurer et on m’a libérée (rire).


Qu'est-ce qui vous plaît le plus dans le fait de jouer des rôles ?

Ce qui me plaît le plus quand je joue des rôles, c’est le sentiment qui monte en moi. Je ressens des choses, je sens le personnage, je sens ses pensées, son énergie, ce qu’il représente, c’est magique. Cette sensation de liberté, le pouvoir de défendre des choses qui me choquent, moi, étant dans la société.


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